AKUO, FUTUR GÉANT VERT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES
26 Apr 2021

Avec 2,6 milliards d’euros investis dans l’électricité propre, la licorne française affirme son modèle indépendant et innovant. Pas moins de cinq de ses activités ont reçu le label Solar Impulse.

L’histoire commence en 2003. Eric Scotto, chargé du développement stratégique dans plusieurs entreprises des technologies de l’information, et Patrice Lucas, ingénieur de formation passé par Alstom, créent une société de production d’électricité éolienne, Perfect Wind. « Je souhaitais m’investir dans la transition énergétique, même si, à cette époque, personne n’en parlait encore », raconte Eric Scotto, actuel président d’Akuo. De fait, le marché était encore très embryonnaire à l’époque : en 2003, l’éolien ne représentait en France que… 0,03 % de la consommation d’énergie primaire, contre 1,2 % en 2019 (soit 6 % de la production française d’électricité). Leur audace paie : « Nous avons reçu de nombreuses offres de rachats. Nous avons accepté celle du numéro 1 mondial de l’époque, Iberdrola, en 2006» Passé ce premier succès, le duo nourrit une autre ambition dans le renouvelable : fonder une entreprise indépendante leur assurant toute liberté dans la conception de systèmes énergétiques. C’est de ce rêve que naît en 2007 l’entreprise Akuo Energy – terme repris du japonais « hakuoo », qui désigne tout à la fois un phénix blanc et un âge d’or du Japon lors du VIIe siècle de notre ère.

Photo : Laurent GRANDGUILLOT/REA

70 centrales en exploitation dans le monde

« Dès la création de notre entreprise, rapporte Eric Scotto, nous avons souhaité diversifier notre activité dans de nombreux pays, et avons ciblé ceux qui étaient le plus volontaristes dans les énergies renouvelables. L’Europe, notamment, avait un rôle moteur. » Depuis, la société s’est implantée sur cinq continents via une quinzaine de filiales. Elle développe, construit et exploite des centrales de production d’énergie renouvelable et entend bien maîtriser l’ensemble du processus. « Nous privilégions une activité à long terme, confirme Eric Scotto, en internalisant tous les savoir-faire, de la construction à l’exploitation, en passant par l’ingénierie financière, la maintenance et la formation. Nous avons, par exemple, lancé une formation initiale aux métiers du photovoltaïque intégré au bâti, au lycée Simone-Weil de Conflans-Sainte-Honorine. »

Avec 70 centrales en exploitation ou en construction partout dans le monde, Akuo revendique 1,3 GW de puissance installée, dont deux tiers proviennent de l’énergie éolienne. Elle exploite par ailleurs 260 MW de panneaux solaires et 67 MW d’énergie hydroélectrique. En tout, 600.000 tonnes de CO2 ont ainsi pu être évitées en 2020 grâce à ses centrales. Elle vise, d’ici trois ans, 5 GW de puissance installée. 53 % de son énergie est produite en Europe, 36 % dans les deux Amériques, et le reste en Afrique, au Moyen-Orient, en Océanie et dans l’Outre-Mer. Son ancrage en France reste fort : elle y vend 60 % de son énergie. Pour mémoire, les énergies renouvelables ont représenté dans l’Hexagone 56 GW en 2020. Le modèle de la société ne vise pas à concurrencer les géants nationaux énergétiques déjà bien en place, mais à se positionner comme un acteur disruptif.

L’indépendance capitalistique privilégiée

Cette société de 400 employés se développe sur un modèle qui privilégie l’indépendance capitalistique. « Nous avons créé nos propres produits financiers dans une Sicar au Luxembourg pour financer nos projets industriels, indique Eric Scotto. Nous avons aussi conçu, en 2014, notre première obligation verte pour un producteur français d’énergie. » En tout, l’entreprise a pu investir 2,6 milliards d’euros dans ses divers projets, dont 600 millions d’euros sur ses fonds propres. Le reste provient de prêts bancaires et d’émissions d’obligations réalisées en Europe. Elle compte parmi ses clients des opérateurs géants comme EDF, ou de moindre taille comme Plüm Energie, et vend également directement son électricité à plusieurs groupes, comme la Maif, Qwant ou Kusmi Tea. Son chiffre d’affaires – 261 millions d’euros en 2019 – est en croissance.

« Par rapport à certains concurrents, comme Neonen ou les grands énergéticiens, notre modèle représente un avantage, déclare Eric Scotto. En tant que sociétés cotées, elles doivent répondre à un certain nombre de contraintes. Nous avons le luxe de pouvoir nous tromper, d’innover, de tester de nouveaux chemins, et de mettre en avant les éléments sociétaux et environnementaux positifs plutôt que les indicateurs financiers. » Il y a quatre ans, Akuo a même lancé sa propre plateforme de crowdfunding, AkuoCoop, pour permettre aux citoyens des territoires sur lesquels ses projets sont implantés d’y participer directement. Cette solution, labellisée Solar Impulse, a permis de lever 7 millions d’euros sur une quinzaine de projets. L’innovation, financière comme technologique, est au cœur de l’ADN de l’entreprise.

Eric Scotto, PDG d’Akuo Energy.
Photo : Nicolas TAVERNIER/REA

Des tuiles solaires esthétiques

Selon le Joint Research Center de la Commission européenne, les toitures ont le potentiel de produire 24,4 % de la consommation d’électricité du continent. Grâce aux panneaux solaires, certes, mais pourquoi pas… via des toits produisant directement de l’électricité ? C’est l’innovation réalisée par Akuo : construire des tuiles photovoltaïques, à la fois étanches et esthétiques. Entre 2009 et 2011, la société a placé 90.000 de ces tuiles pour couvrir le marché international de Saint-Charles à Perpignan. Toujours en service, ce toit photovoltaïque couvre 15 % de la consommation de la ville en électricité. « Nous étions un peu avance sur notre temps, confie Eric Scotto. Nous avons testé ce projet sur divers autres emplacements en France, obtenu les certifications nécessaires, et conçu divers coloris pour nos tuiles afin qu’elles s’insèrent au mieux dans le tissu urbain, selon les traditions architecturales des diverses régions. » Après une décennie de développement et en partenariat avec la Banque de France, la société s’apprête à construire une usine de 70.000 mètres carrés, à Châtellerault, capable de produire chaque année 1 GW de tuiles solaires made in France à partir de 2025. Selon Akuo, ces tuiles photovoltaïques ne coûteraient pas plus cher que la construction d’un toit de qualité sur lesquels seraient installés des panneaux photovoltaïques.

Photo : Akuo

Photovoltaïque flottant et Agrinergie

Depuis sa création, les bureaux R&D d’Akuo situés à Châtellerault tournent à plein régime. Quatre de ses inventions ont obtenu le label Solar Impulse, dont les fameuses tuiles solaires (voir encadré). La société a tout d’abord créé le concept Argrinergie qui permet de conjuguer dans le même espace productions agricole et d’énergie. Pour limiter l’impact foncier, des panneaux solaires sont intercalés entre les rangées de plantes, ou installés sur les serres ou les ombrières. 198 MW de ce système sont en exploitation, en construction ou en financement. En partenariat avec la société lilloise Ciel & Terre, Akuo développe également Hydrelio, un concept des panneaux solaires flottants sur des plans d’eau. Elle a récemment mis en service la plus grande centrale photovoltaïque sur eau d’Europe, près d’Avignon.

Akuo propose aussi un système plug and play de panneaux solaires et de stockage d’énergie rangés dans des conteneurs, pouvant être déployés et repliés en moins de 30 minutes. Solar GEM est utile pour implanter des unités de production d’énergie dans des climats instables, soumis par exemple aux alertes cycloniques, ou dans des zones peu accessibles où il serait contraignant de développer les infrastructures lourdes des centrales photovoltaïques. Ce système est notamment testé à Bornéo. Enfin, Akuo se tourne désormais vers l’hydrogène. « Nous avons lancé il y a quatre ans le projet Last Mile, indique Eric Scotto, visant à installer à la fin de l’année seize stations d’hydrogène vert en Ile-de-France afin d’alimenter les véhicules lourds, comme les bus ou les camions-bennes. » Sous les auspices rassurants de son oiseau mythologique totem, Akuo est devenu aujourd’hui une des entreprises françaises les plus prometteuses dans la production d’énergie verte.

Article original ici